On met les voiles à 8h30
le 17 juin, sous spi de tête et grand voile haute, la mer est belle,
bien cachée derrière la barrière de corail qui casse la houle du
Pacifique. On commence par un petit saut de puce pour mouiller le
lendemain à Magnetic Island. En chemin, un wahoo mort à l'hameçon.
Un croisement entre le barracuda et le maquereaux, chaire blanche
très bonne et il faut bien admettre que c'est bon de changer du
thon. Bon mouillage mais on ne s'attarde pas.
Nous quittons donc
Horseshoe bay après un bon petit déjeuner, direction Cairns qui
sera rallier le lendemain après une bonne navigation bien rapide
sous spi fractionnel et Grand voile 1 ris, et un peu sport sur la fin
avec 3 ris dans la GV et 1 ris dans le foc, secoué par de bonnes
risées. Comme les cargos passent aussi dans ce bras de mer, cela
fait beaucoup de monde pour quelques endroits très étroits. On se
retrouve en fourchette entre deux cargos et 2 récifs, ca passe en
affalant le spi pour en laisser passer un puis reprendre notre route,
un peu serré. Bienvenue au pays des crocodiles. Un beau panneau nous
le rappelle au ponton des annexes. Le mouillage, en face de la
marina, dans la rivière, longe la mangrove, du coup on ne fait pas
trop les fiers dans notre petite annexe gonflables alors que tous les
locaux ont des annexes rigides en alu. Le fameux lagon de Cairns, une
énorme piscine municipale stylisée et en plein air, est fermé.
Dommage, c'est vraiment l'une des seules attractions de Cairns. On
prépare la navigation suivante et quelques courses avant le contour
de la péninsule de York. En sortant du chenal, un gros cata de
croisière vient en face et quelqu'un à son bord nous fait des
grands signes. La distance diminue, et on reconnaît Jean Mi, notre
ami de chantier de Nouvelle Zélande miraculé suite à la perte de
son bateau en allant à Nouméa. Incroyable de le voir là, de retour
sur l'eau et en pleine forme. Rencontre brève mais tellement sympa.
On glisse sous spi,
alternant entre le grand et le petit. Un bateau Canadien de 50 pieds
navigue avec GV haute et gennaker tangonné en ciseau, mais Capado
fait parler son déplacement léger malgré le petit spi et les 2 ris
dans la GV, le Canadien disparaît petit à petit derrière nous. Il
est bien rare de croiser des bateaux sous voile dans le même sens et
avec des vitesses presque similaires, du coup on passe une journée
bien divertissante à observer notre compagnon d'un jour.
L'approche du Cap York
nous offre pas mal de vent, on troque le spi pour le foc. La mer se
creuse pas mal, bref une nuit un peu agitée. Au matin, nous passons
le Cap York, point le plus nord de l'Australie. Au revoir océan
Pacifique, bienvenue dans l'océan Indien. On commence par le Golfe
de Carpentaria avec une bonne brise et une mer qui ne tarde pas à
monter. Capado au largue serré cavale fort, on sera vite en face aux
iles Wessels. On voulait passer par le Hole in the Wall (trou dans le
mur) qui consiste en une passe très étroite dans l'archipel des
iles Wessel qui est un véritable mur contre la mer du golfe de
Carpentaria. On s'approche, il est temps de mettre le moteur. Ce
dernier ne démarre pas, mais en plus le démarreur fume!!!! Pas bon.
Deuxième tentative mais le démarreur tourne au ralenti. C'est pas
bon du tout. Pas de risque inutile, on se déroute vers la passe de
Cumberland au nord, qui est plus large. On se retrouve pris dans une
énorme marmite, vagues super creuses en arrivant, puis on prend le
contre courant sur le côté nord avant de se retrouver de l'autre
côté dans un courant traversier fort qui nous envoie vers le Sud et
la marmite, puis le courant se fait plus frontal, on avance à 8
nœuds sur la surface et 1 nœuds sur le fond. Ambiance concentrée à
bord, on renvoie un ris pour plus de vitesse, quelques bons surfs sur
la bordure de la marmite et ouf, Capado est dégagé du piège.
De l'autre côté du mur,
la mer se fait plate, le spi retrouve le soleil. On commence un long
échange par mail avec notre équipe à terre: Hervé et Georges.
Objectif: redémarrer le moteur. On explore pas mal de théories sur
l'origine de la panne, mais rien n'y fait. Après moult mails et un
coup de téléphone, merci l'Iridium, il faut se rendre à
l'évidence, le moteur reste désespérément silencieux. Et bien
c'est à la voile intégralement que nous rallierons Darwin. Pour
courroner le tout, la pétole, bien connue dans cette région, se met
de la partie. Dur d'avancer. On tire des bords carrés sous spi ou
reacher à essayer de maintenir de la vitesse, mais parfois,
impuissant, il vaut mieux ranger les voiles et attendre la risée
salvatrice. Un thon mort, on profite de la pétole pour un peu de
haute cuisine. Beaucoup de lecture aussi. Alors que nous séchons sur
le pont après une bonne douche d'eau de mer, on va vite se cacher,
l'avion des coastguards nous survole en rase motte pour la deuxième
fois. Ensuite on a droit à un appel VHF très courtois sur
l'identité du bateau, et sa destination. Le passage de l'avion
devient un rituel presque quotidien.
Le 2 juillet au matin,
nous arrivons enfin à Darwin, et, ironie du sort, sous trinquette et
GV 2 ris, il y a beaucoup à trop de vent.... Dingue non. Puis le
vent se calme à midi, comme tout les jours, on mouille sous voile
dans Frances bay au sud de la ville. Là, au moins, notre
consommation de fuel est restée minime!!! De toute façon, il aurait
été inutile de mettre le moteur avec encore 300 milles à faire. On
n'aura jamais autant lu.
On retrouve la
civilisation et internet, du coup on envoie un mail à Magalyanne au
cas où ils sont encore dans le coin. Alors qu'on allait vers la
terre, en annexe, toujours aussi à l'aise avec la menace des crocos,
on appercoit Magalyanne qui nous rejoint au mouillage.
Cela fait 3 mois que l'on
s'est croisé à Auckland. Du coup, apéro, diner à bord et partage
des trajets de chacun.
Au boulot, on démonte le
pilote pour le déposer au représentant Raymarine local, et on
s'attaque au démarreur du moteur. Dans un espace exigu comme notre
salle des moteurs (c'est un bien grand mot), accéder au démarreur
demande de démonter la descente, démonter l'alternateur, desserrer
les pieds du moteur, le suspendre grâce au hale bas sur la baume,
puis enlever le pied tribord, pour ainsi enlever le démarreur. Tout
un programme, au pris de contorsions insensées pour essayer d'y voir
quelque chose tout en faisant jouer de la clé à cliquets. Ensuite,
on va au shipchandler le plus proche pour demander un mécano, ce
dernier nous rallonge le trajet du double pour voir un spécialiste
du démarreur. Heureusement qu'on a les vélos pour ainsi arpenter
les zones industrielles sous une chaleur de bête. Verdict, le
démarreur est cuit. On le remplace pour un d'occasion, puis on
reprend le manège de montage démontage. Le nouveau démarreur est
un poil trop long de 5mm, et c'est reparti pour des killométres en
vélo. Ce séjour Darwinien est sous le signe du sport!!!
Adrien a 31 ans, on fête
ca avec un hamburger de Kangourou. Comme on n'en a pas vu, au moins
on en aura manger.... Ça ne vaut pas le steak mais c'est pour le
folklore.
Le représentant
Raymarine ne trouve rien d'anormal au pilote... Une certaine
différence de perception du normal, et pour couronner son inutilité
flagrante, il compte nous facturer 120 $ pour du vent. Au pris d'une
belle prise de becs avec les patrons et Raymarine Sydney, notre pilote
nous est restituer sans frais. Dingue! Ensuite, on va au grand centre
commercial de Darwin puis retour au mécano pour un autre démarreur
aux cotes plus adaptées à notre environnement étroit. Cette fois
ci, le moteur tourne à nouveau, victoire. Il ne roule pas encore sur
des roulettes mais au moins on peut quitter Darwin. Ainsi, les
douanes nous permettent de raccourcir le délai de 3 jours avant de
partir, puis on rempli les bouteilles de gaz, on fait le plein d'eau,
ranger les vélos, tout ca au prix de multiples aller-retour à la
rame entre le Capado et la terre. Sous le signe du sport on vous dit.
Bref, le bateau est prêt, le moteur tourne ou presque, on est le 7
juillet et Bali nous tend les bras.