mercredi 12 octobre 2011

Canal de Panama

Le 8 octobre 2010, tout l'équipage est à bord à 6 heures du matin. On commence au près puis sous reacher puis moteur, puis foc à nouveau. Le vent est très changeant par ici. A 10h30, Capado entre à la marina Shelter Bay pour récupérer les aussières et les bouées, c'est du lourd. A 12h30, Capado est mouillé sur le flat (zone d'attente du pilote). En attendant, les panneaux solaires sont rangés pour ne pas être endommagés par les toulines (boule en corde pesant 500g permettant de récupérer les amarres). Le pilote arrivera vers 15h30, et c'est sous un bon grain que nous nous approchons de la première écluse Gatùn.


L'écluse est imposante!!! Un cargo s'engage avant nous, puis c'est notre tour. Tout le monde à son poste. Benoît et François s'occupent des aussières avant, Capucine et Coralie de l'arrière. Etant seul voilier, nous nous positionnons au milieu du bassin. Aux 4 coins arrivent des toulines lancées par les employés du canal. Pour certains, plusieurs tentatives seront nécessaires. Le lancer demande beaucoup de précision! Attention aux têtes car les toulines arrivent vite. Ensuite nous avançons dans le premier bassin, les aussières sont ramenées à terre puis tendues. La porte se ferme, on est dans un grand trou noir. D'un coup, l'eau bouillonne sous le bateau et il faut être bien vigilant pour retendre régulièrement aux 4 coins. Ca monte très vite. Ensuite le cargo avance, nous remuant encore un peu. Aussières ramenées à bord, on passe dans le bassin suivant. Le pilote, Francisco est très professionnel donc tout est clair. Benoît et François ont pas mal de travail du fait de la petitesse des taquets par rapports aux énormes aussières. Grâce à eux le bateau reste bien en ligne. Pour Capu et Coralie, c'est plus facile, leurs aussières reviennent sur les winchs de cockpit. Capado passe ainsi le second bassin et le troisième sans encombre. Il est 18 heures et nous rejoignons une tonne sur le lac pour y passer la nuit, le pilote rentre chez lui.
Nous profitons donc de ce temps pour un bon apéro et découvrir un peu plus nos équipiers. François navigue depuis 6 ans avec Nicole et ne compte pas s'arrêter avant encore quelques années. Benoît est parti depuis l'élection de Sarkozy et avance à son rythme. Les deux ont pleins d'histoires riches d'enseignements pour nous novice du voyage nautique.


Lendemain matin, on attend le pilote pour 6 heures, mais il arrivera à 7h30. C'est le week end, donc peu d'activité sur le canal. C'est parti pour la traversée du Lac Gatùn et ses multiples ilots couverts d'une végétation très dense. C'est magnifique.
Nous croiserons quelques cargos dont deux Panamax. On ne peut pas faire plus grand pour passer le canal, la marge de chaque côté des écluses est de 60 cm. Il ne reste que 5m devant et derrière. Des monstres.


Vers 10h, nous entrons dans le canal à proprement parlé, c'est à dire la portion creusée directement dans la terre et les collines. On s'y sent presque à l'étroit. D'ailleurs de grandes barges munis de pelleteuses gigantesques ou de foreuses continuent le travail pour gagner encore en largeur et faciliter les croisements entre ces monstres des mers. Personne ne passe dans notre sens, par contre nous croiserons 3 paquebots. On se sent tout petit.


A midi nous passons sour le pont Centenario. Beau pont reprenant la même géométrie que le pont de Normandie, en plus petit. Gabriel, notre pilote du jour, est d'habitude capitaine de remorqueur. Ce dernier nous rassure pour les dernières écluses: la descente est plus facile que la veille.
A 12h20, on descend d'un étage (environ 10m) à l'écluse Mirador. Encore le balai de pommes de touline avec des employés plus ou moins réveillés; c'est dimanche. On enchaine sur l'écluse de Miraflores dans la foulée. C'est la dernière écluse. Elle se passe en 2 bassins. Il y a tellement peu de trafic que Capado est seul dans l'écluse. Ca fait beaucoup d'eau à vider pour un si petit bateau. Nous passons sous la webcam officielle avec nos familles qui nous regardent. Et aussi sous les yeux de tous les touristes qui visitent le canal. Benoit a eu le gars le plus lent de l'histoire du canal, même le pilote a manqué de patience. On risquait de mettre le bateau en travers. Et au moment de larguer les amarres, cette fois ci, c'est le côté tribord qui s'est endormi. Capado s'est retrouvé seulement attaché sur tribord, donc pas cool pour se lancer hors de l'écluse avec le courant qui nous sort. Un dernier stress pour marquer le coup!
Enfin, nous voici de l'autre côté du Panama. Capado passe sous le pont des Atlantiques et s'engage sur l'océan Pacifique, qui nous accueille comme il se doit: clapot court, vent de face, on tape pas mal au moteur. Finalement nous sommes à 18 h au mouillage de Brisas bien fatigués et avec quelques coups de soleil pour certains. 


Voici une grande étape du voyage maintenant dernière nous. On remercie de tout coeur François, Benoît et Coralie pour leur aide précieuse et pour ce week-end chaleureux passé ensemble.



Portobelo

C'est au près dans la pétole que nous partons des San Blas pour rejoindre Portobelo. Vent contraire et courant contraire nous rallonge un peu la route mais on n'est pas pressé donc on navigue à notre rythme. Dans l'après midi, on voit un bel espadon sauté hors de l'eau avec notre rapala dans la bouche. Quelques sauts de toute beauté suffiront à lui permettre de se détacher. Une demi heure après, alors que nous allions seulement à 4 noeuds, un voilier de 1m20 mord à son tour. Moins de sauts vertigineux mais on admire sa belle nageoire dorsale sillonnée l'eau. Il arrivera jusqu'au tableau arrière du bateau. On était un peu embarrassé car cette prise est bien trop grosse pour nos petits estomacs. Ayant ralenti le bateau à fond, le voilier se laisse prendre en photo puis fait  un tour autour du safran.... oups. Finalement, le voilier se libère et nous rend le rapala en grand prince. De toute façon, on aurait pas su comment le ramener à bord. Un peu de moteur pour finir et nous arrivons à Portobelo à minuit.


Au matin, Benoit venant du bateau voisin Marisa, nous souhaite la bienvenue. Marisa vient de prendre la foudre aux San Blas, donc toute l'électricité et l'électronique est à refaire. Aïe. Arrivé à terre, le distributeur est en panne, donc nous prenons un bus local pour aller au centre commercial voisin (Sabanitas à 1 heure de route). Les bus sont des anciens school bus américains redécorés version amérique centrale, c'est à dire très colorés. Ce sont les rois de la route, toujours à fond, musique à fond aussi et mécanique chancelante. Enfin nous pouvons retirer des sous, faire quelques courses et retour à Portobelo où nous achetons quelques Molas (artisanat Kuna) pour décorer le bateau. Le soir, Fred et Marie sur Michto, catamaran orange que nous avions souvent croisé aux San Blas, nous invite pour l'apéro puis allons tous à terre pour un sandwich à la boulangerie du coin. Au passage, le pain y est très correct. Marie et Fred sont partis de France avec un ketch en bois direction le cap vert et le Sénégal, puis ont acheté un catamaran de 35 pieds à Panama pour continuer la boucle et faire le tour du monde à leur rythme. Le courant passe tout de suite.


Le 26 septembre, en allant au bar du coin (Captain Jack) pour une session internet, nous croisons Michel que nous avions vu à Sainte Lucie alors qu'il ramenait son trimaran de Sète. On découvre alors le monde des back packers. La route entre Panama et la Colombie étant coupée, ces derniers transitent par voiliers depuis Cartagène jusqu'à Portobelo, en passant par les San Blas. Une petite économie s'est donc crée autour de se marcher et beaucoup de voiliers de la baie y participent. Après quelques tentatives, Adrien trouve enfin le capitaine du port pour faire l'entrée du bateau à Portobelo. Chaque déplacement dans le pays nécessite de faire des papiers.... Cette session internet permet d'avoir toute la famille sur skype et ainsi de redonner des nouvelles après le séjour aux San Blas coupé du monde. Ce soir c'est apéro à bord avec Fred et Marie.


Le 27 septembre, direction Colon pour chercher un bateau qui passerait le canal et voudrait bien de nous comme équipiers. Ainsi on verrait comment ça se passe avant d'y engager le Capado. Pour ne pas passer pour des "Gringos", il faut être en pantalon, éviter les lunettes de soleil et porter des chaussures. Colon est réputée pour son insécurité.... Le voyage en bus est toujours aussi épique. On fait un premier stop au centre commercial à l'entrée de Colon pour acheter une carte SIM panaméenne et repérer les voileux qui y font le plein afin de les suivre et monter dans le bus, gratuit, qui les emmène à la marina Shelter Bay. Dans ce bus nous voyons pour la première fois l'écluse de Gatun, à l'entrée du canal et qui se passe en trois étages successifs. Impressionnant. Shelter Bay Marina est un port perdu au milieu d'une ancienne base américaine désaffectée et lugubre. Sur place, on nous autorise à une heure de visite des pontons pour notre session bateau stop. On ne plaisante pas avec la sécurité! Un seul bateau va passer mais il a déjà pris des équipiers professionnels. Au moins on réserve les aussière (4x 35m de 22mm de diamètre) et 6 énormes pare battages, obligatoire pour passer le canal. Dans le taxi retour, on apprend que la dernière zone de mouillage sympa encore autorisée à Colon vient d'être rayée de la carte pour cause de gène de trafic des Paquebots. Déjà que le Yacht Club fut rasé il y a 2 ans pour agrandir le terminal container, Colon n'est plus vraiment accessible pour les voiliers. Tant pis, nous rentrons donc à Portobelo sans bateau stop et sans avoir vu Colon, à part le terminal de bus haut en couleurs. La décision est prise de tout organiser depuis Portobelo avant de passer le canal. Soirée galette bretonne sur Michto avec Marie et Fred, un régal pour seulement un brin de nostalgie. Cour d'épissure au programme et autres infos échangées entre les techniques de pêche à la traîne ou au fusil et l'entretien du moteur...




Le 28, c'est préparation du Capado pour passer le canal. Ainsi on range le bout dehors, la trinquette passe dans la soute à voile, l'hydrogénérateur est démonté. Rien ne doit dépasser! Enfin, on s'attaque au moteur qui broute un peu au démarrage dernièrement. Vidange d'huile, changement du préfiltre et du filtre à Gasoile, tout y passe. Entretemps, Benoit accepte de nous accompagner pour le canal. Il faut à bord de chaque bateau, un capitaine et quatres équipiers, un par aussière. Plus que 2 à trouver. On passe voir Fredoya, grand bateau en Aluminium, taillé pour les grands froids avec Frédérique et sa fille Coralie à son bord. Coralie viendra avec nous! Plus qu'un. Nous continuons notre tour des bateaux avec notre vaillante annexe à la recherche d'équipiers. Que de rencontres en si peu de temps!


Le 29, après avoir récupéré du gasoil, on tente de réamorcer le circuit. C'est un peu laborieux, mais Fred eu une grande idée: mettre le réservoir sous pression en mettant notre pompe d'annexe au niveau de l'évent. Un succès total. Le moteur tourne comme une horloge suisse. Après midi internet puis apéro à bord de Fredoya. Le bateau, construit par Frédéric et Frédérique, est superbe et bien confortable pour les grands froids. Ils nous racontent leurs voyages en Norvège et autres pays glacials, en fort contraste avec la température ambiante.
Le lendemain, rendez vous est pris pour mesurer le bateau et faire les papiers du canal. Ensuite nous partons à Sabanitas en bus pour retirer la somme nécessaire au passage du canal. Hélas il faut 2 pièces d'identités et on est en plein jour de paye, d'où une attente assez longue.... On achète une glacière en Polystyrène pour avoir du frais sur le canal. Il est important de bien accommoder le pilote et nos équipiers. Nous passons la soirée sur Maritéa, en compagnie de Eric, Céline et leurs enfant Juliette et Damien. Super soirée qui finira tard avec traditionnelle visite du bateau et échanges sur les voyages respectifs. Les enfants sont vraiment sympas, ça donne à réfléchir sur le fait de voyager avec des jeunes.... 
1er Octobre, c'est réparation de l'annexe. Cette dernière étant en PVC, elle résiste mal à la chaleur des caraïbes. Le fond entier se décolle entrainant d'importantes voies d'eau, c'est plus une baignoire qu'une annexe. Le soir, c'est au tour de la fine équipe de Maritéa de venir à bord. 
2 Octobre, un peu de tourisme dans Portobelo et nous rejoignons Fred et Marie pour le montage de leur annexe. La technique est assez simple: découpe des panneaux en contreplaqué puis on les assemble en les cousant au fil de cuivre. Ainsi tout se met en place très vite avec toutes les petites mains qui s'affairent (Fred, Marie, Capucine, Benoit et Adrien). 


Le 3, Capado reprend la mer direction Shelter Bay marina. Un peu de près dans la molle, le long des cargos en attente. Dodo au mouillage à l'entrée de la marina. Pas très autorisé mais personne ne vient rouspéter. Au matin, nous allons sur la zone du Flat pour attendre un officiel du canal de Panama. Ce dernier fait les papiers, vérifie la bonne marche des toilettes, de la corne de brume, que le bateau peut faire du 5 noeuds et mesure le bateau. Une fois fait, nous rentrons à Portobelo en tentant de pécher mais sans succès. Dernière soirée en compagnie de Fred et Marie qui partent le lendemain aux San Blas pour un charter. Diner fort sympa à bord du Capado qui manque cruellement d'une table de cockpit.


Il est temps de payer notre passage du canal: 1500 $ dont nous récupèrerons bien plus tard 865 $. Il faut régler en liquide, en coupure de 20$ à la CityBank à Colon. Le soir même on nous confirme notre passage le samedi suivant (8 octobre). Le Pacifique se rapproche. 
On attaque donc les grands préparatifs. Réparer les quelques endroits qui en ont besoin, faire le plein de gasoil, nettoyer un peu la coque pour garantir une meilleure glisse. 2 enfants locaux nous rendent visite en kayak et montent à bord, juste pour le fun d'être sur un bateau. Ils n'ont pas souvent école. Le soir, apéro briefing avec notre équipage du canal: François (6 ans de voyage), Benoit (3 ans), et Coralie (depuis toujours ou presque, donc 17 ans). Le passage promet de se passer dans la bonne humeur.
Dernier jour à Portobelo, on fait la sortie du territoire, puis le plein de boissons et le bateau est prêt pour accueillir tout le monde le lendemain à 6 heures, direction Colon et la première écluse.
Portobelo fut un lieu de belles rencontres avec beaucoup de bateaux aux profils très différents. On n'avait jamais eu une vie sociale si intense depuis le début du voyage.